Dimanche dernier, les Canadiennes de Montréal profitaient de la visite du Furies de Toronto pour hisser les bannières soulignant leurs quatre conquêtes de la Coupe Clarkson. Pour l’occasion, l’organisation avait réuni plusieurs anciennes joueuses. On a noté la présence de Nathalie Déry, Kelly Sudia, Caroline Ouellette, Julie Chu, Charline Labonté, Emilie Boccia, Alyssa Sherrard ainsi que le premier entraîneur de l’histoire de l’équipe Patrick Rankine. D’autres sont toujours avec la formation : Cathy Chartrand, Noémie Marin, Ann-Sophie Bettez et Lisa-Marie Breton-Lebreux.

Julie Chu avait une bonne raison pour que l’on ne dévoile pas la bannière de la conquête de 2009.
En début de cérémonie, la présentation des athlètes a permis à la foule d’ovationner les championnes. Puis, fait cocasse lors du dévoilement des bannières, celle de la première conquête de 2008-2009 n’a pas pu s’afficher comme prévu. Un problème technique a empêché la personne responsable de la dérouler. Cette année-là la coupe fut décidée entre les Stars de Montréal et les Whitecaps du Minnesota, équipe pour laquelle Julie Chu s’alignait. Cette dernière avait d’ailleurs une explication à ce soit disant « incident » : « Ils ne le savent pas mais je suis venu tard hier soir et je me suis assuré que le rouleau de la bannière était bien collé pour qu’il ne puisse jamais s’ouvrir. (rires) »
Bref historique
La Coupe Clarkson est remise à l’équipe championne de la Ligue Canadienne de Hockey Féminin depuis la saison 2012. De 2009 à 2011, un tournoi regroupant les meilleures équipes de la LCHF et de la Ligue Féminine de Hockey de l’Ouest permettait de déterminer le vainqueur. La coupe a été conçue par des artistes inuit d’Iqaluit et elle tient son nom de l’ex-gouverneure-générale Adrienne Clarkson.
Les Canadiennes de Montréal, nommée Stars à l’époque, remporte la première édition du tournoi à Kingston en mars 2009 contre les Whitecaps du Minnesota. Les Stars récidivent en 2011 et 2012. À ce jour l’organisation demeure la seule à avoir mis la main sur la Coupe Clarkson deux années consécutives.
Les Canadiennes sont redevenues championnes au printemps 2017 en venant à bout de l’Inferno de Calgary par la marque de 3-1. Il s’agissait en quelque sorte d’une vengeance, l’équipe s’étant inclinée contre ces dernières l’année précédente. Montréal a par ailleurs atteint la finale en 2013 et 2015. Sept participations à la finale sur une possibilité de neuf représentent un gage de succès. Avec l’élargissement des cadres de la ligue, il sera intéressant de voir si le Tricolore restera une figure de proue dans la LCHF au cours des prochaines années.
L’honneur et la fierté d’y être
On peut s’en douter, tous les championnats ont une grande valeur pour les athlètes. Celui de mars dernier occupe une place particulière dans le cœur de Julie Chu : « L’an dernier, la raison pour laquelle c’était si spécial, c’est que c’était ma dernière opportunité. C’est aussi à cause de l’année précédente et comment nous avions perdu contre la même équipe. » Les Canadiennes s’étaient inclinées par la marque de 8-3 contre l’Inferno de Calgary. Selon Chu, à ce moment les montréalaises étaient craintives, jouant pour ne pas perdre et elles ont laissé l’autre équipe les dominer. En 2017, les joueuses ont changé d’attitude : « Notre focus l’an dernier était de s’assurer que dans la victoire ou dans la défaite, nous n’aurions aucun regret car nous allions tout donner en appliquant beaucoup de pression. C’est ce qui me rend le plus fière de cette conquête. »

Lisa-Marie Breton-Lebreux fait partie des fondatrices de la ligue. Elle était honorée d’être sur la glace pour les cérémonies.
La cérémonie a fait ressortir l’importance de l’esprit d’équipe, les liens qui se sont créés et les beaux moments vécus au travers les années : « Je me suis sentie confortable et privilégiée d’être sur le tapis rouge avec un tel alignement. Le temps passe vite, nous avons beaucoup de bons souvenirs. Ces filles sont mes amies. J’étais très, très, très heureuse et fière de partager ce moment avec elles. » – Lisa-Marie Breton-Lebreux. Caroline Ouellette tenait le même discours : « Elles sont parmi mes meilleures amies. On a eu des moments magiques, gagner avec cette équipe, être sur la route. C’est là qu’on se remémore tous les moments spéciaux qu’on a vécu ensemble. À chaque fois qu’on est réunie, c’est toujours spécial de voir tous ces chandails, allant de ceux de notre première victoire à la dernière. De voir ces bannières là-haut, c’est incroyable! »
Noémie Marin, qui a participé à toutes les conquêtes, insistait sur l’honneur : « C’était super de voir mes anciennes coéquipières être avec nous sur la glace et de voir la fierté dans leurs yeux quand elles ont marché sur le tapis rouge. C’est ce que ça représente ces bannières : Des joueuses de hockey fières de ce qu’elles sont. » Caroline Ouellette abondait dans le même sens et donnait beaucoup de crédit à ceux qui ont été là dès le départ : « Ça me rend super fière. J’ai pu faire partie d’une organisation remplie de succès, j’ai adoré chaque minute de cette expérience. Ça a commencé par le leadership avec Patrick (Rankine), Nathalie Déry et notre capitaine au début Lisa-Marie (Breton-Lebreux). Surtout elle, elle a tant fait pour cette équipe. Je suis très fière d’avoir remporté la coupe Clarkson à quatre reprises. »
Pour Breton-Lebreux même des détails ont une grande signification : « J’ai de nombreux chandails … je voulais le bleu mais le blanc n’est pas mal non plus. C’est beaucoup de souvenirs car c’est nous qui a dessiné le « M », ce n’est pas le plus beau logo mais on a quand même amené l’idée de l’étoile qui est restée depuis. »
Peut-on les sortir du hockey?
Les filles pratiquent ce sport qu’elles aiment tant à temps partiel, car oui elles occupent des emplois à temps plein. Plusieurs comme Noémie Marin, Karell Émard, Katia Clément-Heydra et Lisa-Marie Breton-Lebreux travaillent dans le monde du hockey scolaire, d’autre comme Ann-Sophie Bettez ont une carrière professionnelle plus « normale », elle qui est employée au Groupe Investors. Le hockey leur demande beaucoup, une trentaine de matchs disputés entre octobre et mars, en majorité les fins de semaines, en plus de deux pratiques par semaine en soirée sans compter les entraînements en gymnase.
Il peut donc devenir difficile de concilier le tout. À un certain moment, elles doivent passer à autre chose même si l’amour de la compétition leur manque. « On voit l’énergie qui se dégage à l’aréna, c’est la partie la plus difficile car on aime les journées de match. Mais d’un autre côté, pour être une athlète d’élite, il faut aussi aimer l’entraînement et toutes les autres implications. Avec mes occupations professionnelles à Concordia, il était impossible d’y arriver. Par respect pour mes coéquipières et pour avoir un certain équilibre dans ma vie, il était préférable de me retirer et de devenir une fan. » – Julie Chu
Lors du passage de l’équipe à Toronto il y a quelques semaines, le Furies effectue un changement de gardienne et envoie Sami Jo Small, une ex-olympienne de 41 ans, dans la mêlée. À ce moment, Dany Brunet regarde Lisa-Marie Breton-Lebreux et lui demande si elle souhaite s’habiller. Sa réponse :« Oui! J’aimerais ça jouer, j’ai perdu quelques livres et je suis en grande forme (rires). Mais non, la vitesse du jeu est vraiment différente. Je reviens à la maison, je ne suis pas raquée, pas de bobos et je suis beaucoup moins fatiguée. »
Vers une ligue professionnelle ?
La Ligue Canadienne de Hockey Féminin débute ses opérations en 2007 alors qu’un groupe de joueuses se regroupent pour créer un lieu où les meilleures athlètes pratiqueraient leur sport à un haut niveau tout en faisant la promotion du hockey féminin. Parmi celles-ci on retrouve Sami Jo Small et Lisa-Marie Breton-Lebreux. Ces dernières sont toujours impliquées dans le hockey. Breton-Lebreux occupe le poste d’assistante-entraîneure et de directrice du développement des joueuses avec les Canadiennes tout en étant responsable des programmes de conditionnement physique pour les athlètes de l’Université Concordia. Tandis que Small utilise ses expériences d’athlète olympique pour donner des conférences de motivation en plus de tenir des écoles de hockey.
Questionnée sur l’évolution de la LCHF, Breton-Lebreux rappelle que : « Au début, nous les joueuses on payait 1000$ dans les trois ou quatre premières années. Maintenant elles ont la chance d’avoir un salaire. »
Même si elle a abandonné l’idée de jouer, tout porte à croire que Lisa-Marie n’en a pas terminé avec le hockey : « Je pense un jour peut-être arrêter de coacher et faire autre chose de ma vie. Mais là ça n’arrête pas, il y a toujours quelque chose de nouveau. Faque là… ok… On va aller en Chine! Pourquoi pas? Nous l’avons bâti, on ne peut pas quitter quand le meilleur est à venir. »
Tout comme Lisa-Marie Breton-Lebreux, Noémie Marin vit du hockey. En plus d’être une joueuse active, elle occupe le poste d’entraîneure-chef des Islanders du Collège John Abbott et fut nommée au même poste avec l’équipe canadienne des U-18. Vétérante de la ligue, elle entrevoit l’avenir avec optimisme : « Premièrement je me sens vieille! (rires) Ça s’en va dans la bonne direction, c’est le fun de voir que maintenant les filles qui commencent sont payées et sont conscientes des efforts que les anciennes ont mis dans la ligue. J’espère juste que les filles que je coache au CÉGEP, quand elles vont arriver dans notre ligue, auront encore plus de salaires et d’opportunités. »

Caroline Ouellette occupe le 1er rang des pointeuses de l’histoire de la LCHF en séries et en saison régulière.
Dimanche au premier entracte, Caroline Ouellette effectuait une rare sortie médiatique. Lorsque interrogée sur les perspectives futures de la ligue et du hockey féminin, elle a osé se mouiller et exprimer sa vision du futur : « C’est extraordinaire de voir le parcours de la ligue et l’amélioration du traitement des athlètes, de voir l’aréna aux couleurs des Canadiennes et les installations. Au début c’était beaucoup plus difficile pour nous. D’avoir une petite compensation qui peut couvrir les dépenses, je pense que c’est un pas dans la bonne direction. On s’en va vers une ligue professionnelle. Avec la foule qu’il y avait ici hier soir et aujourd’hui, ce sont tous des points positifs. » L’aréna Michel-Normandin était pratiquement à guichets fermés pour les deux matchs.
Pour la première fois en 2017-2018, les joueuses reçoivent une compensation. Les montants varient entre 2 000$ et 10 000$ en fonction des années d’expérience. Certains bonis sont rattachés aux performances individuelles. Le plafond salarial est fixé à 100 000$ par équipe.
Le rêve de Lisa-Marie Breton-Lebreux et de Sami Jo Small est-il entrain de se réaliser? Peut-être mais ce ne sera pas demain la veille. Le hockey féminin demeure un sport en développement, de plus en plus de filles le pratiquent. Dans certaines régions, il y en a un nombre suffisant pour créer une structure propre. L’intérêt semble grandissant autant du côté médiatique que du côté des assistances.
Rappelons que les Canadiennes déménageront à l’auditorium de Verdun à compter de la saison 2019-2020. L’aréna actuellement en rénovation conservera les 3700 places assises et on y aménagera un vestiaire réservé à l’équipe ainsi qu’une salle d’entraînement à la fine pointe de la technologie. Ce déménagement pourrait amener une hausse des revenus pour l’organisation et ce sont les joueuses qui en bénéficieront.
Bref si jamais dans vingt ans, une ligue de hockey féminine professionnelle existe, ce sera grâce à des athlètes fières, passionnées et dédiées à leur sport. Dimanche dernier, alignées au centre de la patinoire de l’aréna Michel-Normandin, il fallait voir la fierté et l’honneur que dégageaient celles que l’on appellera des pionnières.
Crédit photo : CWHL – Céline Gélinas / Eyes On The Prize / CWHL / Eyes On The Prize – Shanna Martin
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