«Once you learn to quit, it becomes a habit.»
-Vince Lombardi
C’est bien connu dans les milieux crypto-anarchistes anti-reptiliens (demandez à Jim Bell – il souhaite régler vos problèmes avec le Ministère du Revenu avec une solution très innovante), le Canadien de Montréal est l’une des pires organisations sportives en Amérique. Je le répète souvent : dans une ville sportive normale, le CH posséderait le même statut que les Pistons à Détroit, que les Redskins à Washington ou les Pirates à Pittsburgh. Les partisans ont perdu confiance envers leurs dirigeants, ils ont accepté que les championnats ne feraient plus jamais partie de leur histoire. Ces organisations honteuses éprouvent de sérieuses difficultés à vendre des billets, ils ne paient pas leur joueurs vedettes et peinent à susciter un quelconque intérêt médiatique dans leurs villes respectives.
À Montréal, curieusement, ce problème n’existe pas. Le Canadien est la seule équipe appartenant à un sport majeur et plusieurs de ses partisans sont épris d’une psychose mélancolique qui les emprisonnent dans des récits du «bon vieux temps» au sujet de la dynastie des années 1970 et des onze bagues d’Henri Richard qui feraient supposément de lui un plus grand athlète que Tom Brady, Michael Jordan et Derek Jeter. Telle est la vie dans les tavernes du bas de la ville ou à l’ancien Hôtel Sigma à Val-d’Or, où les fantômes de la gloire canadienne-française des «fils déchus de race surhumaine» (Alfred DesRochers) sont aussi nombreux que ceux qui errent dans les vestiges du vieux Forum de Montréal, devenu une triste salle de cinéma qui présente exclusivement des films dans la langue de Don Cherry (ou de Lord Durham, si vous appréciez l’exactitude historique).
Mais revenons-en au Canadien en tant qu’organisation, voulez-vous. Selon le récit le plus répandu, avec ses 24 conquêtes de la Coupe Stanley,le Tricolore représenterait en quelque sorte le trésor national de la LNH, son équivalent des Yankees de New York ou des Cowboys de Dallas. Contrairement à ses deux franchises légendaires, cependant, le Canadien est insignifiant depuis plus de 25 ans. Par miracle, en 2014, ils ont accédé au carré d’as de la conférence de l’Est avec une équipe de plombiers – des petits bourreaux de travail (Brian Gionta, Dale Weise, David Desharnais, Josh Gorges) -grâce à un Carey Price qui revenait d’une performance historique aux Jeux Olympiques de Sotchi. Qui sait où aurait pu aboutir le CH si Chris Kreider n’avait pas volontairement entré en collision avec Price lors du tout premier match de la série face aux Rangers. Ce rendez-vous manqué est encore l’un des sujets de discussions préférés des fefans et on peut certainement les comprendre.
Cela dit, pourquoi le CH a-t-il à ce point sombré dans l’insignifiance et l’habitude grisante de la défaite? La nature de ce problème, je l’ai souvent dit : la culture de médiocrité comme telle de l’organisation, celle qui fait dire à son propriétaire Geoff Molson : «notre but, chaque année, c’est de participer aux séries éliminatoires». Tous les paliers décisionnels de l’organisations sont gangrénés par ce désir inconscient de perdre, par cette force saboteuse des vaincus d’avance. Il n’est jamais question de se mettre à jour dans la manière de bâtir une équipe dans le hockey des années 2020. En commençant par la décision constamment reconduite de faire de Carey Price la pierre angulaire de la franchise sur la glace. Si au moins le CH avait assumé pleinement son archaïsme (imiter les Devils de 1995) en ajoutant une défensive élite devant lui, mais non, un Shea Weber en déclin fait bien l’affaire et un Jeff Petry qui s’apparente trop souvent à un épileptique au bord de la crise fatale dans sa couverture défensive, aussi.
Or, les fefans ont aussi leur part de blâme dans ce cauchemar interminable. Cela s’observe particulièrement dans la section des commentaires de TVA Sports et de RDS, où on l’on réclame pratiquement la pendaison publique de Marc Bergevin (près de la statue de Guy Lafleur) pour avoir échangé le grabataire miraculé Ilya Kovalchuk (le Lazar sibérien revenu d’entre les morts, comme les antagonistes de James Bond capables de dépecer un ours et de kidnapper la Bond Girl en même temps) aux Capitals de Washington pour un choix de troisième ronde. Une excellente décision qui ajoute un 14echoix de repêchage pour le CH en vue du prochain repêchage qui, par la force des choses, se tiendra au Centre Bell. Des réactions semblables ont également pu être observées quand l’italo-canadien Marco Scandella (aussi habile à parler le français qu’un cuisinier grec de la Belle Province) fut échangé à Saint-Louis pour un choix de deuxième ronde. Un autre coup fumant de Marc Bergevin (un DG très compétent, par ailleurs, menotté par le saboteur en chef Geoff Molson) décrié par les fefans qui souhaiteraient plutôt sortir Yvan Cournoyer et Steve Shutt de la retraite que de vivre une véritable reconstruction qui permettrait au CH de possiblement devenir une puissance du circuit Bettman.
Toutefois, permettez-moi de nuancer ma position défavorable à l’endroit de Geoff Molson à partir du point suivant : le propriétaire du Canadien (et son président par le fait même – le petit Jerry Jones du Canada anglais) est à l’écoute de ses fefans qui achètent aussi sa Coors Light en quantité industrielle. Après tout, être partisan du CH en 2020, ça donne soif, n’est-ce pas ?À quoi pense Geoff Molson, selon-vous, quand il écoute les auditeurs biberonnés qui déversent leur fiel sur les lignes ouvertes du 91.9, après une sixième défaite consécutive du CH? Ou quand l’équipe de communication du Tricolore filtre les commentaires sur sa page Facebook ou lorsqu’elle analyse les réactions des fefans sur les tribunes de RDS et de TVA Sports? Le petit Jerry Jones du Canada anglais se dit, à juste titre, «Ils ne sont pas prêts à subir une traversée du désert équivalente à une reconstruction en règle, même s’ils peuvent boire ma Coors Light durant ce trajet périlleux. Marc, arrange-toi de faire les Séries». Et Marc qui répond : «oui, mais la Coupe Stanley…», «Je m’en crisse, Marc, fais les playoffs. C’est moins compliqué».
Et voilà pourquoi, en vérité, le Canadien ressemble davantage aux Lions de Détroit qu’aux Yankees de New York. Dans un monde idéal, aujourd’hui, en cette date limite des transactions, Carey Price prendrait le chemin du Colorado en retour d’un package de jeunes joueurs qui comprendrait possiblement Mikko Rantanen, Samuel Girard et d’autres choix de repêchage, mais nous savons tous que le grand-seigneur de la Coors Light empêcherait une telle chose de se produire. Il craindrait trop qu’une émeute, comparable à celle que provoquerait une 25econquête de la Coupe Stanley, se déclenche trop près de ses tours à condos de luxe.
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