Depuis 16h,Tom Brady n’est officiellement plus un Patriot. La NFL n’avait pas subi un tel séisme depuis l’arrivée de Peyton Manning avec les Broncos en 2012, un événement que reconnu unanimement comme le changement de personnel le plus important de l’histoire du football américain. La venue de Brady avec les Buccaneers entre assurément dans cette catégorie, même si l’ancien quart-arrière des Patriots aura 43 ans quand la saison régulière de la NFL débutera en septembre prochain. Personne, il y a un an, quand les Patriots étaient de nouveau champions du monde, à l’issue du Super Bowl 53, n’envisageait un tel revirement de situation pour le plus grand quart-arrière de tous les temps.
À vrai dire, nous croyions tous que Brady appartenait au clan des Derek Jeter, des Larry Bird et des Mario Lemieux, celui des joueurs emblématiques qui n’ont porté qu’un seul uniforme au cours de leurs carrières légendaires. Or, si on tient compte de tous les éléments en jeu dans cette situation, la décision de Tom Brady, celle de quitter les Patriots de la Nouvelle-Angleterre, ne devrait surprendre personne. À commencer par l’état des forces actuel des Patriots et la frustration entretenue par Brady tout au long de la saison dernière. Combien de fois l’avons-nous vu exprimer son mécontentement sur les lignes de côtés, soit en fracassant son casque contre le banc des joueurs ou pleine discussion échaudée avec ses receveurs recrues inexpérimentés? Le rendement des Pats en 2019 (une fiche de 12-4, la meilleure défensive de la NFL en termes de statistiques) était loin d’être représentatif des capacités réelles de l’équipe. Certes, ils ont remporté leurs huit premiers matchs, mais il suffit de regarder la qualité des adversaires affrontés pour comprendre que les Pats se sont fait offrir une moitié de saison parfaite sur un plateau d’argent
Durant ce segment de la saison 2019,Les Patriots ont affronté quatre des pires équipes de la NFL (les Dolphins, les Jets, les Redskins et les Giants – toutes se caractérisaient par un niveau historique d’insignifiance) et des réservistes comme Luke Falk , Colt McCoy et Josh Rosen (durant le dernier quart du match contre les Dolphins, le 15 septembre). La qualité des quarts-arrière affrontés à ce moment-là était à ce point atroce que la défensive des Patriots n’a pas accordé de touché avant la sixième semaine du calendrier, quand ils ont affronté les Giants de New York. Par la suite, les hommes de Bill Belichick sont parvenus à se tirer d’affaires et obtenir deux victoires contre les Jets et les Browns de Cleveland, grâce à la capacité de la défensive à intercepter le ballon et marquer des points. À ce titre, sans cette contribution soutenue de la défensive au tableau indicateur, les Pats auraient vraisemblablement subi un ou deux revers durant la première moitié de la saison, surtout contre les Bills et les Giants.
Le rendement offensif des Patriots fut leur problème majeur en 2019, pour ne pas dire le seul. Après deux victoires écrasantes face aux Steelers et (33-0)aux Dolphins (43-0), presque tout le monde s’attendait à une autre participation au Super Bowl pour les Pats. Comment en douter avec une attaque composée de Tom Brady, d’Antonio Brown, de Josh Gordon (qui semblait s’être pris en main) et de Julian Edelman. Pendant 10 jours, c’est-à-dire pour le temps où Antonio Brown fut membre de l’équipe, les partisans des Patriots rêvaient en chœur de la saison 2007 et d’une fiche de 16-0 à nouveau. Or, la lune de miel n’a pas duré. En regard des chefs d’accusations pour agression sexuel qui pesaient lourdement sur lui, Antonio Brown, le meilleur receveur à la disposition de Brady depuis Randy Moss, fut libéré par les Patriots.
À partir de ce moment précis, les Patriots n’ont plus jamais été les mêmes. Isaiah Wynn, leur left tackle partant (repêché en première ronde en 2018) s’est blessé à la cheville et ne revint pas au jeu avant la semaine 12 face aux Cowboys de Dallas. Wynn avait subi une blessure semblable un an plus tôt lors du camp d’entraînement, ce qui freina sérieusement sa progression de joueur recrue. Or, lors des deux premiers matchs, Wynn montra des signes encourageants, particulièrement en raison de la vélocité de ses chevilles, l’élément de son jeu qui incita les Patriots à en faire leur tout premier choix au repêchage de 2018. Avant sa blessure, les partisans des Pats et les observateurs attitrés à la couverture de l’équipe étaient convaincu qu’Isaiah Wynn représentait enfin le digne successeur de Matt Light, à titre de tackle offensif légendaire. Au lieu de cela, ils ont plutôt eu droit aux portes tournantes et aux prouesses lamentables de Marshall Newhouse, signé en urgence après la blessure d’Isaiah Wynn.
Aux misères de la ligne offensive (et la perte d’Antonio Brown)se sont ajoutés le départ de Josh Gordon (libéré pour manque d’assiduité et comportement erratique) et la surcharge de travail pour Julian Edelman qui, fidèle à lui-même, ne rata aucun match, malgré son corps meurtri par les blessures. Avant l’arrivée de Mohamed Sanu, par la voie d’une transaction avec les Falcons à la huitième semaine (le 22 octobre), Edelman fut la seule cible de qualité pour Brady. L’arrivée de Sanu fut accueillie comme une bénédiction par les auditeurs des lignes ouvertes des radios sportives de Boston. Brady pourrait enfin distribuer le ballon à une autre receveur compétent. Les espoirs de championnat ne s’étaient entièrement évanouis. Or, l’expérience Mohamed Sanu s’est avérée un échec lamentable, principalement en raison du prix payé pour faire son acquisition, un choix de deuxième ronde.
Ensuite, chaque fois que les Patriots ont affronté une équipe de séries éliminatoires (les Ravens, les Texans, les Chiefs), ils ont prouvé que leur réputation était surfaite, qu’ils n’étaient pas de taille à rivaliser avec les équipes qui pouvaient réellement aspirer à participer au Super Bowl. Du moment où la défensive n’a pu marquer des points contre des adversaires de qualité, les Patriots ont dévoilé leur véritable visage, celui d’une équipe vieillissante, en manque de munitions offensive, portée par sa défensive compétente mais surestimée. L’arrivée de N’Keal Harry (le premier de choix en 2019- le seul receveur de passe repêché par Bill Belichick avec les Patriots) n’a rien changé, suite à son premier match en carrière face aux Cowboys de Dallas à la semaine 12. Il a montré de belles choses lors des matchs contre les Chiefs et les Bengals, mais rien qui aurait pu remettre les Patriots sur le droit chemin.
Le dernier match des Patriots, la rencontre du Wild Card face aux Titans du Tennessee, fut à l’image de la saison 2019 : 13 points marqués, une défensive incompétente face à un jeu au sol redoutable, une interception de Tom Brady à la toute fin du match, son dernier jeu à vie avec l’équipe. Plusieurs partisans avaient apporté des bannières le suppliant de terminer sa carrière avec les Patriots, la foule à guichet fermée du Gillette Stadium scanda son nom tout au long du match, pour une dernière fois. Une fois les dernières secondes au compteur écoulées, Tom Brady s’est dirigée vers Ryan Tannehill pour le féliciter et lui souhaiter bonne chance pour le re reste des éliminatoires. En se dirigeant vers l’escalier qui mène au vestiaire des Pats, Tom Brady a serré la main de quelques partisans et puis il est disparu dans le tunnel du Gillette. Plus jamais on ne le verrait revêtir un uniforme des Patriots.
Mais à ce moment-là, personne ne pouvait même s’imaginer que Tom Brady serait le quart-arrière partant des Buccaneers de Tampa Bay en 2020. Or, aujourd’hui, le 18 mars 2020, cette décision est tout à fait logique quand on tient compte de la reconstruction inévitable qui attend les Patriots d’ici les prochaines années. La saison dernière, les Patriots représentaient l’équipe la plus âgée de la NFL (une moyenne d’âge de 29.5 ans) et un nombre important de ses piliers défensifs se retrouveraient sur le marché des joueurs autonomes (Kyle Van Noy, Jamie Collins, Devin McCourthy, Danny Shelton). Heureusement, Belichick est parvenu à rapatrier deux de ses capitaines (McCourthy et Matthew Slater, les deux plus grands leaders de son vestiaire après Tom Brady), mais l’ensemble de la défensive est à rebâtir, surtout le front défensif qui se voit sérieusement affaibli par le départ des agents libres qui le composaient.
Après tout, les Patriots n’ont pas dominé la NFL pendant 20 ans, sans passer par une forme de reconstruction entre temps. Une situation semblable s’est produite en 2009, quand Tedy Bruschi a pris sa retraite et lorsque Bill Belichick échangea Richard Seymour aux Raiders d’Oakland (contre un choix de 1ère ronde) et Mike Vrabel (ainsi que Matt Cassell) aux Chiefs contre un choix de deuxième ronde. Entre 2009 et 2012, Bill Belichick parviendrait à rebâtir sa défensive en repêchant Patrick Chung, Devin McCourthy, Dont’a Hightower, Chandler Jones et Jamie Collins, tous des piliers de la deuxième partie de la dynastie, celle des championnats de 2014,2016 et 2018. En 2020, Bill Belichick se retrouve face à un défi comparable -rebâtir sa défensive de fond en comble- et trouver de nouveaux receveurs de passe et un ailier rapproché de talent pour regarnir substantiellement son offensive. Et présentement, il est très loin du but.
Tom Brady ne voulait pas terminer sa carrière dans un tel environnement, encore moins retrouver une attaque aussi incompétente que celle avec laquelle il dut composer en 2019. Inutile de chercher de midi à quatorze heures pour comprendre sa décision. Chez les Buccaneers, il pourra compter sur l’un des meilleurs comités de receveurs de passe de la NFL (Mike Evans, Chris Godwin et OJ Howard) et plusieurs rumeurs prétendent que Brady aurait réclamé l’ajout d’Antonio Brown dans l’équation, si cela pouvait se faire en conformité avec les règlements de la NFL. Brady est demeuré en contact avec l’enfant terrible depuis la terminaison de son contrat chez les Patriots le 20 septembre 2019. Imaginez les dommages que pourraient causer une attaque composée de Tom Brady, d’Antonio Brown, de Mike Evans et d’OJ Howard (l’un des tight end les plus prometteurs de la NFL), le tout dirigé par l’un des meilleurs esprits offensifs de la ligue en Bruce Arians, celui qu’on surnomme le Quarterback Whisperer pour avoir travaillé étroitement avec Peyton Manning, Ben Rothlisberger, Andrew Luck et Carson Palmer. Il pourra maintenant ajouter Tom Brady à cet arche glorieux de quarts-arrière.
De plus, les Buccaneers possèdent une défensive de plus en plus intimidante. Son front défensif comprend Lavonte David, Shaquil Barrett et Devin White, tous capables d’exercer une pression constante sur les quart-arrières adverses et de mettre le ballon dans les mains de Tom Brady plus souvent qu’à son tour. Je ne dis pas que la défensive des Buccaneers sera aussi redoutable que celle des Patriots la saison dernière mais elle sera de loin supérieure à celle que présentera Bill Belichick en 2020. Pour dire les choses simplement, avec Tom Brady comme quart-arrière, les Buccaneers représentent équipe que celle des Patriots, même si TB12 avait choisi de terminer sa carrière en Nouvelle-Angleterre. Ai-je besoin de vous rappeler que Tom Brady ne joue pas au football simplement pour le plaisir de la chose? Son but est de remporter un championnat et cela à chaque saison. La meilleure destination pour réaliser cet objectif, compte tenu des possibilités qui se présentaient à lui, est nulle autre que Tampa Bay, aussi douloureux et étrange soit-il de le voir revêtir un uniforme aussi hideux que celui des Buccaneers.
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